« Nous avons toutes les couleurs pour nous tous et aucune pour nous seuls »Lotfi, 10 Kms de fils de papier filés par les enfants de Darna

Notre expérience touche à sa fin. L’installation est montée. Après avoir envahi votre quotidien, elle s’est déplacée. Accrochés aux palmiers du Musée de la Casbah et à la façade de la Maison Communautaire des Femmes de la Fondation Darna au Grand Socco, des milliers de fils de toutes les couleurs dansent au vent. Ils sont bleu ciel, bleu de mer, jaune soleil, rouge sang, orange, mauve, pavillon vert … Plus de 20.000 fils de papier filé à la main ! Œuvre prodigieuse, treizième des Douze Travaux d’Hercule ! Chant d’amour dédié à l’impatience retenue, joie de l’effort fourni ensemble…regarder, admirer et y croire.

Des dizaines, des centaines, voire des milliers de personnes vont voir cette sarabande de fils. Ils frémiront à leur tour de ce que vous y avez mis, persévérance, enthousiasme et savoir faire. Jamais je n’aurais pensé, filer le papier avec les pieds, le rouler dans les mains à une telle vitesse … Bravo ! J’en suis émerveillée. Le moindre de ces fils est à l’image de chacun, chacune, d’entre vous, chacun, chacune d’entre nous… Il flotte dans nos têtes, s’enroule dans nos cœurs, accroché à nos mains, par delà nos frontières, fil parmi les fils invisibles …. Vous avez créé, chanté la vie dans ce qu’elle a de plus beau, toutes ses couleurs ….
Les ambassadeurs de 50 pays du monde, venus pour décider de la candidature de Tanger à l’expo 2012, vous ont applaudis. Vos yeux brillaient d’étoiles.

L’art est là pour exprimer nos émotions, rendre précieux ce qui ne semble pas l’être. Il nous fait sillonner des routes imprévues, nous révèle à nous-mêmes, donne des ailes, ne l’oubliez pas, comme je ne vous oublie pas. Vous savez à présent que de nouvelles aventures vous attendent.

Christine Keyeux, Tanger, Mai-Juin 2007

Une exposition de poupées de roseau peut se révéler être une idée originale, innovante et insolite!
Et pourtant; ces poupées qui jadis meublaient le temps de nos grands mères sont aujourd’hui l’expression
d’une détresse sociale profonde qui s’insère aisément dans le cadre d’un travail artistique contemporain.
Faire surgir un esprit créateur; ou libérer une frustration profonde à travers la création est la matérialisation d’un projet initié par l’association cent pour cent mamans en partenariat avec la galerie
Dar d’art. Hommage donc à cette association qui par différents artifices et idées novatrices creuse et cherche des moyens pour soutenir des femmes dont le seul but est d’aboutir à une vie décente.
Hommage à toutes les personnes et à toutes les entités qui se sont impliquées pour faire aboutir cet événement qui ne manquera certainement pas de nous révéler de grandes surprises.

Chokri Bentaouit – www.dardart.com

Poupée de roseau
– Dis, maman, pourquoi les appelle-t-on poupées de roseau ?
– Parce que leur charpente intérieure est faite d’un roseau creux coupé de sa tige.
– Où trouve-t-on des roseaux à Tanger ?
– Loin de la ville, alors qu’avant, on les voyait un peu partout autour de nous.
– Où ça ?
– Là même où ont poussé tous ces immeubles récents.
– C’est quoi, un immeuble récent ?
– C’est un immeuble à la façade lépreuse où la plupart des ascenseurs sont entrés en panne définitive.
– Parle-moi de choses plus gaies ; comment habille-t-on ces poupées ?
– On les habille de bric et de broc, de chutes de tissus glanés ça et là et de n’importe quoi, pourvu que ça te plaise.
– Je n’en vois aucune dans la vitrine des magasins de jouets.
– C’est parce qu’elles en ont été chassées par des poupées en plastique made en Ailleurs.
– Ailleurs, c’est où ?
– En Chine.
– C’est là-bas qu’elles sont fabriquées ?
– Fabriquées ? non. Elles sont usinées. Tandis que de mon temps, nous autres petites filles, nous prenions plaisir à les faire nous-mêmes, à leur donner vie et couleurs selon nos goûts.
– Chut… pas si fort ! si les Chinois t’entendent, ils vont se mettre à en confectionner à tour de bras, on en trouvera partout, comme le bakchich.
– Tu as raison. Et sache que toi aussi, tu peux en fabriquer.
– Du bakchich ?
– Non, ne te donne pas cette peine, il y a des fonctionnaires pour ça. Contente-toi d’habiller la demoiselle de roseau, invente pour elle des caftans aux couleurs trépidantes, dessine sur son visage l’immensité de ton cœur et le sourire de l’enfant qui rêve, donne à ses lèvres la saveur du printemps, dispose sur sa tête des cheveux lancés dans le vent comme un jet d’étincelles, insuffle en elle la puissance de cette force primitive qui a peuplé mon enfance, donne-lui une âme qui l’élèvera dans la mélodie de notre univers tangérois au temps jadis où la création ludique était l’œuvre des fillettes. Grâce à l’habileté de tes doigts, tu logeras en elle le noyau de feu de ta passion créatrice et l’ivresse de ta jeunesse. A partir d’une simple tige de roseau, tu feras naître une créature plus parfaite que la perfection elle-même. Ma fille, apprends à pactiser avec le rêve !
– Comme tu y vas, maman ! le roseau te rend lyrique !
– C’est dans le relief des choses qu’on trouve la lumière des mots.

Lotfi Akalay

Imaginez 260 travaux ainsi ? Faute de matériel, de budget et de temps, je n’ai pu en monter que la moitié. C’était en majorité des enfants de deux écoles publiques de « Al Qodts » et » Al Amal » et de l’école Espagnole, plus quelques élèves de l’école des mal-entendants ( qui ont fait des Ibn Battouta avec des oreilles….). Donc des enfants issus la plupart de quartiers populaires. A voir leur production, ce n’est pas le confort qui donne la créativité… cette quatrième fresque est toutefois très différente des autres.

La Fabuleuse histoire d’Ibn Battouta, Tanger 2003, Maroc
Ibn Battouta de Tanger à Chaumont, chaumont-Gistoux 2004, Vagabond’art, Belgique
Ibn Battouta c’est toi. Bruxelles 2005, Centre Culturel Arabe, Belgique
Le retour d’ibn Battouta , Tanger 2006, Casabarata, Maroc

Pour en savoir plus :
LE RETOUR D’IBN BATTOUTA
LE VOYAGE CONTINUE SEPT SIECLES APRES
L’ANNEE Ibn BATOUTA 700ème anniversaire